D’où vient cet attrait des français pour le parfum ?
Quel rôle a joué la France dans son installation parmi les rituels de beauté incontournables des européens ?
Comment l’expertise française, en matière de culture des plantes à parfum et de création parfumée, s’est-elle peu à peu imposée dans le monde entier ?
C’est ce que vous allez découvrir à travers ce nouvel article du Mag Parfum by Estéban.
La France ou le règne des plantes à parfum
Si la France est aujourd’hui considérée comme l’une (si ce n’est La) référence mondiale du parfum, c’est qu’on lui reconnait volontiers un patrimoine horticole exceptionnel (berceau de nombreuses matières premières luxueuses), des maîtres parfumeurs talentueux (parfois mondialement connus) et surtout, un savoir-faire unique, hérité de siècles d’échanges commerciaux, d’innovations techniques et d’investissement tant politiques qu’économiques. Aujourd’hui encore, à travers le monde, la filière du parfum garde un visage très français. Les savoir-faire du pays de Grasse, en matière de parfum, ont d’ailleurs été officiellement inscrits au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco en 2018.
Cette récompense salue l’expertise de la région et de ses habitants, qui y pratiquent la culture des plantes à parfum et leur transformation ainsi que la création d’assemblages odorants depuis le 16ème siècle au moins. À l’époque, la région était surtout connue pour ses tanneries (activité dégageant de fortes odeurs). Pour y palier, la noblesse grassoise s’organisa pour encourager la culture (et l’utilisation) des plantes odorantes ainsi que le développement concomitant du métier de parfumeur. Si les essences de fleurs étaient jusqu’alors importées de Montpellier, Grasse déploya une culture dense de plantes à parfum ; de sorte que lavande, jasmin, rose et romarin purent rapidement être prélevées sur place, et répondre aux besoins de la filière.
Aux côtés de Paris et de Grasse, Montpellier a eu une fonction essentielle dans le développement de la parfumerie française au 17ème et 18ème siècle : si la capitale a une importance majeure dans la création et la diffusion des produits parfumés, les professionnels parisiens font principalement venir leurs ingrédients du pays grassois et montpelliérain (fleurs et plantes aromatiques servaient alors à parfumer les gants en cuir, dont raffolait la haute société). Au-delà de son patrimoine naturel et végétal hors pair, la ville de Montpellier, idéalement située sur le bord du bassin méditerranéen, importait épices, plantes et marchandises rares, contribuant grandement à l’essor de la parfumerie méridionale. La ville a d’ailleurs compté jusqu’à 21 fabriques de parfum.
Le saviez-vous ? Les connaisseurs de la cité montpelliéraine seront curieux d’apprendre que l’actuelle Grande Rue Jean-Moulin, qui en était le centre, aurait porté le nom de « Rue des parfums ».
Têtes couronnées et passion parfumées
La passion du parfum s’est durablement installée dans les mœurs de l’aristocratie française dès le milieu du 16ème siècle, sous le règne de Catherine de Médicis (Reine de France de 1547 à 1559). Cette italienne initiée aux parfums dès le plus jeune âge (les produits italiens faisaient alors référence et s’exportaient déjà à l’étranger) arriva à la Cour de Paris accompagnée de son maître parfumeur (Renato Bianco, dit « René le Florentin »). Catherine y impose rapidement la mode des Pomenders, gants parfumés et petits flacons à odeurs que l’on glisse dans les poches de vêtements. Quant à Renato Bianco, sa célébrité lui permit d’ouvrir sa boutique de parfums dans la capitale (rue Pont aux changes), entraînant dans son sillage l’arrivée de nombreux autres parfumeurs. Les parfumeurs du Royaume de France étaient déjà réunis en corporation depuis 1190 mais leur expertise restait alors relativement rudimentaire. Grâce à Renato et son activité, la parfumerie française gagne peu à peu ses lettres de noblesse…
Mais c’est réellement à partir du règne de Louis XIV, au 17ème siècle, que la renommée du parfum français va prendre son essor à l’étranger. Le monarque, déterminé à mener la France à son apogée, donne une importance considérable aux arts, à la culture et aux lettres. Le parfum, dont il est lui-même grand amateur (on le surnomme « Roi le plus doux fleurant ») n’échappe pas à la règle et se fait l’instrument du rayonnement de Versailles à l’étranger (Versailles est alors appelée « la Cour parfumée »). Il est de bon ton de s’y présenter chaque jour paré d’un parfum différent, et toutes les Cours d’Europe suivent bientôt la mode française. Une aubaine pour les parfumeurs qui créent alors des eaux-de-senteurs sur-mesure pour leur illustre clientèle.
Simon Barbe (parfumeur, habile écrivain et courtisan à ses heures) décrit dans son ouvrage Le parfumeur François, les usages parfumés de la Cour, où les fleurs au sillage entêtant parfument les peaux des gants, où les « mouchoirs de Vénus » (étoffes imprégnées d’essences odorantes) sont légion et où il est coutume de faire brûler des cassolettes de parfum (l’ancêtre du parfum d’ambiance) dans les chambres, pour parfumer et purifier l’air. En effet, à l’époque, l’usage des parfums a également un but hygiénique et médical (la frontière est alors flou entre l’apothicaire et le parfumeur). Pour profiter de ses vertus, le parfum s’insinue jusque dans la nourriture : à la table du Roi on trouvait du vin infusé de cannelle, de clou de girofle, de muscade, de poivre long et de coriandre. On ajoutait ensuite à ce nectar de l’ambre et des muscs, ainsi que des agrumes, dont le Roi était féru.
Sous son règne, les courtisans se frottaient le corps au savon de Bologne, se lavaient les dents avec une préparation faite de cannelle, de girofle et de citron, et s’enduisaient les mains d’une pâte d’iris, de benjoin et d’amande douce pour « ôter la saleté en douceur ». Huiles au santal, à la rose ou à la lavande qui oignent les cheveux sous la perruque finalisent la parure. On trouve des plantes à parfums (jasmins, roses et tubéreuse notamment) jusque dans les jardins de Lenôtre et dans la Galerie des Glaces, où des orangers en pot fleurissent toute l’année, pour le plus grand bonheur des diplomates et autres invités prestigieux, contribuant à la renommée de cette Cour Parfumée à travers l’Europe.
Des choix politiques en faveur de la parfumerie française
Dès la Renaissance, de nombreuses décisions politiques ont permis à la France de se positionner en avant-poste sur le commerce et la fabrication des parfums.
En 1536, François 1er signe une alliance avec Sulliman le Magnifique, leader de l’Empire Ottoman, assurant aux français une place de choix sur les routes du parfum. Dès lors, la France jouera un rôle stratégique dans ce qu’on appelle « Les échelles du Levant » (ensemble de ports et de cités marchandes par lesquels les voyageurs d’Europe accédaient à l’Orient). La guerre entre la Sérénissime (Venise) et La Porte (Constantinople) élimina peu à peu la concurrence commerciale de Venise, offrant à Marseille un véritable boulevard sur le commerce maritime des essences rares et des épices.
Plus tard, sous l’influence de son épouse Catherine de Médicis, Henri II établit la 1ère usine de flacons à parfum à Saint-Germain-en-Laye, louant les services de grands maitres verriers italiens pour créer des pièces exceptionnelles à destination de la Cour, et contrer ainsi la production verrière italienne, alors dominante sur le marché. À sa suite, Colbert créera la manufacture Royale des Glaces, qui prendra plus tard le nom de St Gobain. Progressivement, la production française dépasse sa concurrente en qualité et en renommée.
La fabrication de parfums est, quant à elle, encouragée, sous le règne de Louis XIV, par la création des « Métiers d’Art » (origine du luxe en France) dont la parfumerie fera évidemment partie. La charte des gantiers-parfumeurs est également étendue, permettant l’émergence de nouveaux procédés qui nourrissent la créativité des parfumeurs. Le perfectionnement de la distillation et la capture du sillage des « fleurs muettes » par l’enfleurage, notamment, élargissent la palette des parfumeurs et les libèrent des contraintes de saisonnalité des essences. Si bien qu’en 1673, l’exceptionnel débit des parfums place la corporation des parfumeurs parmi les marchands les plus importants du Royaume.
Au 18ème siècle, la parfumerie française s’impose durablement sur la scène européenne.
Aujourd’hui encore, le parfum reste l’un des plus beaux étendards de la France et de son raffinement.
Une expertise qui n’a fait que s’affiner avec le temps, faisant du « fabriqué en France » un vrai gage de qualité et d’authenticité à travers le monde. Cette année, le pays sera le centre de toutes les attentions internationales de part l’évènement sportif mondial qui s’y tient. Pour l’occasion, Estéban a réuni l’émotion du sport et le savoir-vivre à la française dans une collection de produits officiels sous licence Paris 2024 conçue pour parfumer le quotidien de milliers de passionnés. À découvrir très bientôt dans son intégralité.
Sources :
- Podcast La voix du parfum d’Isabelle Sadoux : « La France sur les routes du parfum »
- « L’eau de Rose de Marie-Antoinette et autres parfums voluptueux de l’Histoire », par Elisabeth de Feydau